Une analyse de son sol est indispensable en maraîchage biologique car au-delà des principes généraux d’agronomie, le maraîcher doit maîtriser le fonctionnement unique du sol vivant qu’il cultive. Chaque sol possède ses propres caractéristiques et son propre équilibre, et son observation approfondie permet de garantir une production de qualité tout en préservant durablement sa fertilité. Conscient de cet enjeu, le CFPPA de Coutances a intégré l’analyse de sol au cœur de ses formations en maraîchage biologique. Chaque stagiaire est invité à faire un profil de sol sur son lieu de stage ou sur son futur site d’installation ainsi que des prélèvements pour une analyse de sol. Cette pratique de terrain bénéficie d’un accompagnement personnalisé par les formateurs et une prise en charge partielle des frais de laboratoire par le CFPPA. Cette approche permet aux stagiaires d’acquérir des compétences pratiques directement transposables à leur futur projet d’installation agricole.
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Pourquoi réaliser un diagnostic de sol ?
Observer et diagnostiquer un sol permet d’évaluer son potentiel agronomique : est-il adapté à mes cultures et à mes objectifs de rendement ? En me plaçant dans la peau d’une racine, l’environnement est-il favorable à mon développement ?
La fertilité d’un sol ne dépend pas uniquement des apports en matière organique, elle dépend aussi de son équilibre chimique et de sa structure.
Un sol propice doit offrir un enracinement dense et profond, permettant aux plantes d’accéder aux ressources nécessaires à leur croissance. Un diagnostic de sol grâce au prélèvement d’échantillons confiés à un laboratoire est particulièrement pertinent lors du dimensionnement d’un projet d’installation ou de l’acquisition d’une nouvelle parcelle.
Rapport d’analyse de sol d’un stagiaire BPREA :
Il existe aussi des pratiques d’observation simples et gratuites comme le test du boudin, le test du slip ou du sachet de thé, le test du bocal, le profil de sol… qui permettent de surveiller la santé du sol, identifier les problèmes, adapter les pratiques pour préserver et améliorer durablement la fertilité.
Qu’est-ce qu’un profil de sol et comment le réaliser ?
Le profil de sol est une méthode d’observation et de description des premières couches du sol (jusqu’à 80-100 cm) pour analyser l’impact des outils agricoles, l’activité des vers de terre, le développement des racines, la dynamique de l’eau et la nature de la roche-mère.
Pour le réaliser, il faut d’abord choisir un emplacement représentatif de la parcelle ou un endroit présentant une anomalie sur les cultures. Ensuite, creusez à une profondeur suffisante pour observer les différentes couches du sol, appelées horizons, ainsi que le développement des racines.
Observez chaque horizon visuellement (couleur, densité racinaire), au toucher (texture, humidité), et avec un couteau pour évaluer la structure (compacité, dureté, présence de galeries de vers ou de racines anciennes).
Pour compléter, un « test bêche » peut être effectué à d’autres endroits de la parcelle pour une évaluation rapide de l’état structurel du sol.
Comment lire les signes d’un sol en bonne santé ?
Une structure de sol idéale favorise un enracinement optimal : absence de tassement ou de « semelle » compactée, porosité suffisante pour permettre le passage des racines, l’oxygénation, et l’activité des macro- et micro-organismes essentiels à la vie du sol.
Les signes d’une activité biologique dynamique incluent des turricules en surface, des galeries en profondeur et une structure grumeleuse dans les couches superficielles. Une bonne circulation de l’eau est aussi essentielle : pas de stagnation prolongée (absence de taches d’hydromorphie) qui entraverait la respiration des organismes du sol, ni de drainage excessif limitant le stockage d’eau, crucial en périodes de sécheresse.
L’observation des cailloux est également importante : trop nombreux, ils peuvent compliquer l’enracinement et le travail du sol. La couleur du sol peut révéler des caractéristiques spécifiques, comme des horizons distincts ou une faible épaisseur de sol fertile, signalant la présence proche de la roche-mère.
Pour compléter ces observations, une analyse de sol fournit des données clés, comme la teneur en matière organique, le pH, et la fertilité chimique, indispensables à une gestion optimale des cultures. Les stagiaires sont également sensibilisés à évaluer l’activité biologique à l’aide d’outils ludiques, comme le « test du slip« , qui reflète la richesse du sol vivant.
Enfin, ces activités sont progressivement réalisées en partenariat avec les maîtres de stage, afin d’éveiller leur intérêt et de les impliquer davantage dans cette démarche de compréhension du sol, contribuant ainsi à leur propre formation continue.
Appliquer les résultats en adaptant le travail du sol
L’observation d’un profil de sol permet d’adapter les pratiques culturales aux spécificités et aux contraintes du sol. Si un développement racinaire inégal ou une « semelle de labour » est détecté, cela invite à revoir les pratiques : l’outil utilisé est-il adapté au type de sol et à son humidité ? Est-il bien réglé ?
Pour un sol non travaillé, le profil permet d’évaluer la profondeur des racines et leur accès à l’eau. En période d’irrigation ou sous abris, il sert à vérifier si l’humidité est suffisante et si l’irrigation est bien conduite, en fonction de l’enracinement des cultures.
Cette démarche, intégrée à la formation, aide les stagiaires à diagnostiquer le potentiel agronomique de leur lieu de stage ou futur site d’installation. Ils apprennent à choisir des pratiques adaptées, comme le travail ou non du sol, les outils à privilégier, la culture sur buttes, le choix ou encore la gestion de l’irrigation et des apports organiques. Ce diagnostic peut également orienter le choix des cultures et le choix des emplacements, en fonction des caractéristiques du sol (précocité d’un sol sableux, contraintes d’un sol argileux, trop humide, acide ou caillouteux). Dans certains cas, il peut même inciter à envisager un autre site si le sol n’est pas propice à une culture maraîchère exigeante.
Une fois installés, les stagiaires n’ont pas toujours besoin d’un diagnostic complet, mais ils acquièrent le « réflexe bêche » pour résoudre des anomalies (compaction, irrigation inadaptée, maladies racinaires) et suivre l’évolution de la fertilité, de l’acidité, ou de la matière organique au fil du temps. Ces compétences leur permettent de gérer efficacement leur sol pour une production durable.
Mathilde DESPREZ
Formatrice en agronomie au CFPPA de Coutances.
Témoignages de stagiaires :
« Au commencement de ce test j’aurais imaginé l’inverse en terme de résultat (avant nos cours d’agronomie sur le sujet), j’ai été donc relativement surpris positivement par le résultat. »
« Le profil du sol est cohérent avec l’historique connu de la parcelle : sans travail du sol ni culture depuis une dizaine d’années, avec exportation du foin, le sol s’est compacté et probablement acidifié, ce qui rend difficile la vie du sol et la décomposition de la matière organique qui s’accumule en surface. La granulométrie présente des avantages pour la culture de potagères : un taux plutôt bas d’éléments grossiers, une bonne pénétration de l’eau en profondeur, un caractère de limon sableux selon le test du boudin. »
« Les caractéristiques propres au sol et inaltérables ne représentent pas de difficultés particulières pour les cultures : la CEC est satisfaisante ainsi que le profil granulométrique. En revanche, le taux de matière organique, le pH et les taux de minéraux assimilables par les plantes sont insuffisants (mis à part le magnésium). L’enjeu de la mise en culture de cette parcelle sera donc de fournir, avant implantation, des apports calciques et organiques suffisants pour permettre à la vie du sol de reprendre et de rendre disponible les nutriments pour les plantes cultivées. »
« Les cours et les analyses m’ont énormément appris sur mon sol et la manière de le gérer. Avant de commencer cette formation, je ne pensais pas que ce suivi était aussi crucial pour le maintien de la vie dans le sol de mes terres. Je retiens surtout qu’une fois l’effet de destruction de ma culture terminé, il me faudra faire des analyses de sol de façon régulière afin d’adapter au mieux les besoins des terres. Malgré de futurs apports, il me faudra faire des concessions sur mes choix de légumes afin de ne pas perdre de temps (et d’argent) avec des variétés ne supportant pas les conditions difficiles du Plateau de Millevaches. »